• NietzcheMalraux

     

    Malraux a-t-il prononcé la phrase « le 3e millénaire sera spirituel ou ne sera pas » ? Les avis sont partagés, mais tous s’accordent à dire que ce qu’il a dit allait dans ce sens. Athée convaincu, gageons que Malraux serait déçu de constater qu’en ce début de millénaire, la façon dont les hommes manifestent leur spiritualité n’a jamais été aussi activement mortifère.


    Malraux espérait un événement spirituel à l’échelle planétaire mais sûrement pas sous une forme si primitivement haineuse et sanguinaire que celle qui met à feu et à sang toute la planète ! La spiritualité qu’il espérait aurait réinventé l’Art. Libéré des religions, ces entraves à la liberté créative, l’Homme du 3e millénaire s’épanouirait, sans aucune limite que celle de son imagination. Les esprits émergeraient du magma des culpabilités inoculées dans l’inconscient collectif durant des millénaires et porteraient la flamme de l’Art si haut que la beauté et l’harmonie remplaceraient la guerre et la fureur. L’Humanité en aurait fini de s’étriper et transcenderait le quotidien par les enfantements de son esprit, l’Homme n’aurait plus d’autre dieu que lui-même. A l'aube du 3e millénaire, l'Homme était obligé de devenir "spirituel" !


    Malraux haïssait la vulgarité dans l’Art, gageons qu’il aurait été affligé de certaines créations prétendument artistiques de ce début du 3e millénaire, comme celle d'immerger un crucifix dans l’urine ou asperger d’excréments le visage du Christ. L’excrément élevé au niveau de «l’art » n’est certainement pas ce dont rêvait Malraux pour le futur !

     

    Il faut se rendre à l'évidence, la spiritualité selon Malraux n'est pas au rendez-vous de ce 3e millénaire. Mais la religion, dans ce qu'elle a de pire, continue de manipuler les hommes qui sèment la terreur d’un bout à l’autre de la terre, au nom d’un Dieu qu'un philosophe du XIXe siècle a déclaré « mort » ?  Il y aurait de l’ironie dans tout cela, si le prix n’en était le sang des innocents.

     

    On dit que Malraux faisait sienne cette boutade de Nietzche « Dieu est mort* ». Cette phrase a toujours étonnée la croyante que je suis, car enfin, ne peut mourir que ce qui est vivant, et donc qui existe ? Nietzche, Malraux et tant d’autres grands esprits tout aussi farouchement athées que ces deux là, jouaient-ils avec les mots pour frapper l’imaginaire de ces «masses populaires » qu'ils voulaient libérer de l'obscurantisme, ont-ils cédés à la vanité de l'Ange ou voulaient-ils tout simplement se rassurer ?


     Pour Nietzche aucun mot n’est approximatif, chacun doit livrer, comme autant de notes d’une symphonie, ce qui ne se dit pas, ce qu’il faut deviner, ce qu’il faut comprendre, ce qu’il faut traduire, ce qu’il faut ressentir. Je crois que s’il avait réellement cru que Dieu avait été inventé par les hommes pour contraindre l’humanité à la résignation, il aurait choisi d’évoquer la fin d’un « concept » mais sûrement pas la « mort » du seul véritable Vivant que l'homme, soumis plus que jamais à ses démons, trahit chaque jour.

     

    « Dieu est mort » ! Par cette provocation, Nietzche ne proclame t-il pas implicitement l’existence de ce Dieu en lequel il avait cru au point de le vouloir servir et en lequel il continuait peut-être de croire, librement, en dehors des règles religieuses, ces abattoirs de l’âme ?

    Dieu seul le sait …  

    * « Ainsi parlait Zarathoustra » Nietzche (1883)

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