• FIGARO  15 juillet 2009
    Espagne : controverse autour des fêtes « barbares »
    Madrid  : DIANE CAMBON 

    Les protecteurs des animaux se radicalisent dans leur combat contre les partisans des traditions qui sacrifient des bêtes dans les fêtes populaires.
    LA PRUDENCE était de mise, hier, lors de l'ultime lâcher de taureaux des fêtes de la San Fermin à Pampelune. Qualifié par les experts de « propre et rapide », l' encierro - une course avec l'animal qui se réalise dans le centre historique et dure moins de 3 minutes - n'a provoqué que quatre blessés légers. Les quelques milliers de coureurs étaient échaudés sans doute par la course sanglante de dimanche (2 blessés graves), mais aussi, et surtout, par la mort d'un jeune aficionado de 27 ans, qui a été encorné, vendredi, par un taureau de Jandilla, un animal célèbre pour sa bravoure.
    Le décès de ce jeune Espagnol a relancé la controverse sur le bien-fondé de ces fêtes taurines, qualifiées par les défenseurs des animaux d' « ignominie ». Une polémique qui enfle d'année en année en cette période estivale, durant laquelle des milliers de villages célèbrent leurs fêtes populaires, où le taureau représente le clou du spectacle. La pression des protecteurs des animaux est chaque fois plus forte.
    Venus surtout de Madrid et Barcelone, ils se radicalisent et n'hésitent plus à s'inviter aux fêtes de village, prêts à l'affrontement physique. Certains médias aussi montent au créneau pour dénoncer la cruauté des 600 fêtes populaires annuelles où sont tués 60 000 taureaux. Au nom de la « tradition immuable », des centaines de municipalités perpétuent chaque été des rites d'un autre âge, où la torture de l'animal constitue la principale attraction. Par exemple, à Coria, en Estrémadure, les habitants se divertissent à décocher des fléchettes sur le taureau avec des sarbacanes avant d'exécuter la bête d'un coup de fusil.

     

     À Medinaceli, en Castille, l'« amusement » consiste à mettre le feu aux cornes du bovidé, couvertes d'une toile imbibée d'essence. Mais c'est sans doute à Tordesillas, une bourgade de 8 400 âmes située près de Valladolid, que la tradition est la plus barbare. Le taureau est poursuivi dans les rues du village avec des lances et des piques jusqu'à ce qu'il tombe à terre. Une fois à l'agonie, il reçoit un coup mortel dont l'auteur aura « l'insigne honneur » de lui couper les testicules, et de les exhiber triomphalement au bout d'une pique.
    Coqs décapités
    Pour le parti Pacma, une formation politique antitaurine et contre le mauvais traitement aux animaux, il s'agit de la fête la plus « vile » d'Espagne. Ce parti, qui a obtenu 45 000 voix aux élections européennes, se bat pour abolir les fêtes populaires, où les animaux sont les acteurs principaux. À force de protestations, ils ont obtenu que certains villages modifient leurs coutumes : depuis 2000 à Manganeses, près de Zamora, la chèvre que l'on lance du haut du clocher de l'église est en carton-pâte ; à Guarrate, non loin de là, on pend toujours des coqs pour les décapiter à coup de serpe, mais après les avoir tués. Pour les taureaux, la pression populaire pèse encore de tout son poids pour que les traditions évoluent. À ce jour, seules deux régions sur 17 - la Catalogne et les Canaries - ont voté des lois qui punissent « toute torture publique » contre des animaux. La ville de Barcelone et une quarantaine de municipalités se sont déclarées « antitaurines ». Dans certains villages catalans, on commence tout juste à remplacer le taureau par des armatures en acier, au grand dam des aficionados.

     

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